De Real Monte à Sciacca, 55 km
Nous partons par de petites routes indiquées comme un itinéraire cycliste (mais est-ce le bon ? Est-ce le SIBIT[1] ?), petites routes dans les collines et les falaises, c’est très pittoresque mais il y a des raidillons mémorables.
C’est dans un de ces raidillons que je suis victime de ma troisième crevaison. Il faut réparer en plein soleil (nous avons encore la chance qu’il y ait une petite fontaine) et force est de constater que mon pneu est très usé et qu’il faut en changer.
Dans la ville suivante, MONTALLEGRO, nous trouvons un réparateur de vélos qui nous change le pneu et la chambre pour 15 euros, c’est très honnête ! Reste à savoir si ce pneu asiatique tiendra. Nous y rencontrons aussi un franco-sicilien de Pont-à-Mousson qui nous sert d’interprète. Les immigrés italiens aiment revenir dans leur pays, l’été, mais ils aiment bien aussi bavarder avec les Français qu’ils croisent. En fait ils ont la chance de ne plus savoir s’ils sont Italiens ou Français, et c’est peut-être cela être Européen.
Pour avancer et faire quand même quelques kilomètres nous reprenons la SS115, pas très drôle mais quand même sans trop de circulation, et surtout efficace. C’est incroyable comme nous avançons plus vite sur les grandes routes : le revêtement du sol n’y est pas le même.
[1] Sustainable Interregional Bike Tourism (SIBIT) est un projet co-financé par l’Union Européenne et le FEDER (Fonds Européen de Développement Régional), il vise à promouvoir le tourisme à vélo en Sicile et à Malte. C’est la voie que nous voulions suivre. Le problème avec les pistes cyclables c’est que bien souvent il y a des flèches mais qui ne nous disent pas où elles mènent. Ce ne sont parfois que de petites boucles pour les promeneurs locaux.
Nous allons jusque SCIACCA où nous décidons de nous reposer dans un B&B. Certes l’étape n’a pas été très longue, mais il fait chaud, très chaud. La chambre que nous louons n’est pas facile à trouver mais elle est bien fraîche, et cela nous fait du bien. La maison et bien située et la ville a du caractère. Accrochée sur la colline elle domine le port[1], la vue est superbe. Des petites ruelles en escalier, de belles bâtisses anciennes, de vieux palais, nous faisons une belle balade pédestre. La pizzéria que nous avons choisie est bien entendu tout en haut de la ville. Il y a du monde et on comprend pourquoi : c’est bon.
Notre gîte à Sciacca
Le propriétaire du gîte, très avenant, trop aimable pour être honnête, va essayer de nous rouler de cinq euros, mais c’est la première fois que cela se produit. Dans l’ensemble les Italiens sont honnêtes et n’essaient pas d’abuser des touristes.
[1] Sciacca est le plus grand port de pêche d’Italie. C’est aussi une station thermale réputée.
De SCIACCA – PIZZOLATO, 80 kms
Nous retrouvons des petites routes agréables et calmes, pas loin de la mer. Au bout d’une vingtaine de kilomètres nous rencontrons même une piste cyclable en propre, et nous la prenons. Elle semble bien balisée, il y a même des cartes à différents carrefours. C’est une piste qui a été faite sur une ancienne voie ferrée et nous la suivons pendant une petite dizaine de kilomètres. Et là ! C’est le gag des gags, même dans un film personne n’y croirait : la piste se termine soudain, sans crier gare, en pleine campagne, et nous voyons la voie ferrée continuer dans les herbes et les broussailles, sans qu’il y ait aucun chemin pour que nous, cyclistes, nous puissions poursuivre. C’est donc en passant à travers les champs que nous avons pu rejoindre des chemins de terre et regagner ainsi, après quelques kilomètres, des petites routes plus carrossables.
Pause méridienne à CAMPOBELLO DI MAZARA puis nous traversons MAZARA, la vieille ville, le chantier naval, l’immense plage bondée. Une quinzaine de kilomètres plus loin nous trouvons un camping très calme et surtout très vert. J’avais oublié à quel point le vert est une couleur apaisante, reposante. Nous sommes aussi entourés de palmiers mais nous sommes sur de l’herbe, de la vraie, un green.
Le repas au resto du camping est bon, sans pizza. C’est un restaurant qui cherche à être assez sélect mais cela ne l’empêche pas d’avoir une télévision grand écran, avec bien sûr un match de foot. A croire que les gens viennent manger pour cela.
Dans ce camping nous avons rencontré des cyclo randonneurs Français de Montbéliard très sympathiques ; ils font le tour de la Sicile mais dans l’autre sens. Ce sont les premiers, et peut-être les derniers cyclistes français que nous croisons.
De PIZZOLATO à VALDERICE, 69 kms
MARSALA[1] puis TRAPANI par la côte, en passant le long de salines avec des petits moulins mignons. La piste, car il y en a une, nous amène parfois à faire des passages sur les plages, entre les parasols, et même à passer par l’intérieur d’un café (mais là c’était sûrement une erreur de notre part, du moins j’espère).
Il y a un vent orageux, souvent favorable mais le temps très lourd. De gros incendies se sont déclarés dans les collines. Un petit canadair fait des va-et-vient mais il semble bien dépourvu face à une telle immensité de feu. Le nuage de fumée est énorme.
Nous nous sommes arrêtés dans un camping à 7 ou 8 kilomètres de l’incendie mais par moments nous recevons des cendres. Nous sommes inquiets pour notre tente. Le vent est fort et le nuage de fumée change fréquemment de direction. Nous constatons tout cela en dégustant une glace sur une terrasse près de la plage, c’est dire combien notre angoisse est à son comble.
[1] Ce nom fait penser à la ville de Marsal en Lorraine, et donc au sel, mais il vient de Marsa Allah, port de Dieu. C’est une ville de 80000 habitants et elle est surtout réputée pour son vin. C’est Trapani qui est davantage tournée vers l’exploitation du sel.
De VALDERICE à TRAPPETO, 57 kms
Pas de problème ce matin pour aller vers l’Est et couper ainsi la pointe de SAN VITO. Nous rejoignons la mer à CASTELLAMMARE DEL GOLFO et en arrivant le point de vue sur le golfe du même nom est superbe.
Il fait toujours très chaud ; la météo annonce 40° à l’ombre, mais nous nous en moquons car nous, nous roulons au soleil. Nous suivons la côte et nous mangeons à BALESTRATE, à l’ombre. Le vent s’est un peu calmé et rien ne nous pousse à aller plus loin. Nous sommes déjà assez proches de notre objectif : PALERME.
Les campings se faisant assez rares dans cette zone nous avons réservé un B&B à TRAPPETO. C’est un appartement très confortable et quasiment moins cher que le camping (27 euros l’ensemble). Les propriétaires n’étant pas là au rendez-vous il nous faut attendre, mais cette attente devant n’est pas sans intérêt. C’est d’abord la découverte d’un bistrot très typique, le café du professeur, puis en attendant devant la porte du logement nous faisons la connaissance d’une voisine très attentionnée et très soucieuse de nous. Mais tous ses efforts pour contacter le propriétaire seront vains.
Nous n’aurons l’appartement que vers 18 heures mais cela nous laisse encore le temps de visiter la ville et de faire quelques courses. Geneviève est heureuse, elle a pu acheter des haricots verts sur l’étal d’un petit maraîcher dans la rue. Elle en rêvait depuis longtemps, et en plus elle va pouvoir faire la cuisine.
Encore un superbe point de vue sur la mer, au fond. Vous voyez ?
De TRAPPETO à ISOLA FEMMINE, 43 kms
Hier soir, à la télé, la météo annonçait 47°, mais ils ont dû se tromper, il ne fait pas plus chaud aujourd’hui que les autres jours, ou alors on s’habitue !
Nous souhaitions continuer à suivre la côte, mais telle ne devait pas être notre destinée. Nous sommes partis sans le vouloir, mais sans rien faire pour nous y opposer vraiment, sur une route qui menait vers la montagne. Quinze ou vingt kilomètres de montée, par PARTINICO, MONTELEPRE, CARINI, c’était vraiment très beau.
Nous rejoignons la mer et la foule à ISOLA DELLE FEMMINE[1] et nous nous installons au camping. Nous prenons une bonne bière sur une terrasse directement au dessus de la mer, c’est bien frais. La bière est une bira Moretti Siciliana à la fleur d’oranger, elle est excellente.
Le soir, au calme et à la fraiche ou presque, nous faisons un repas sicilien : poissons, ratatouille, tartines à… ? Bref on ne sait pas toujours ce qu’on mange mais c’est très bon. La nuit sera beaucoup plus chaude malgré le vent fort qui s’est levé.
ISOLA est à une vingtaine de kilomètres de PALERME et ce sera très bien pour demain.
[1] La commune se trouve face à une île actuellement inhabitée et qui pourrait avoir hébergé une prison pour femmes dans les années 1500. C’est une des origines possibles de son nom (« l’île des femmes »).
De ISOLA FEMMINE à PALERME 32 kms
Nous faisons notre petite vingtaine de kilomètres et nous arrivons à PALERME vers 10 heures du matin. C’est bien trop tôt pour prendre le bateau et cela nous laisse le temps de sillonner la ville, de nous poser dans un grand parc arboré, de savourer une bonne glace (et même un gâteau offert par le garçon qui a eu pitié de pauvres vagabonds perdus).
L’exercice du jour consiste ensuite à trouver le bureau d’enregistrement de la compagnie Tirrenia, et pour cet exercice il faut de la persévérance (et de la chance) car on ne peut pas dire que le bureau a pignon sur rue et qu’il fait de la publicité : il est on ne peut plus discret. Mais nous le trouvons et nos billets, réservés par internet, sont bien enregistrés. Tout va bien, nous pouvons nous diriger vers le bateau qui, lui, se voit beaucoup plus que le bureau. Il n’y a plus qu’à attendre encore un peu devant le bateau pendant deux petites heures. Heureusement qu’il fait beaucoup moins chaud ; c’est la première fois depuis bien longtemps que nous ne souffrons pas trop de la chaleur, il n’y a que 32° à l’ombre.
L’épreuve sportive du jour doit être un triathlon. Elle commence par le vélo, lorsqu’il faut monter avec les voitures et les motos au premier étage du parking du bateau. Le raidillon semble bien rude et on ne s’y attend pas. L’épreuve se poursuit par une course à pieds afin de trouver un fauteuil bien confortable dans les salons du bateau, mais ça y est, nous avons réussi, nous sommes bien installés. Espérons que la troisième épreuve, celle de natation, n’aura pas lieu.
Les vieux quartiers de Palerme
On attend encore un peu avant de partir et ensuite il faudra encore attendre douze heures, le temps de la traversée, avant d’atteindre CAGLIARI. Décidément, la journée est placée sous le signe de l’attente et je ne sais pas si cela repose vraiment. Mais ce qui fait du bien c’est de pouvoir sortir de temps en temps sur le pont et d’avoir froid.
Attendre, encore attendre