D’Assise à Pompéi

Du 28 mai au 4 juin 2017

ASSISE – MARMORE 103 kms

Nous commençons par suivre la vallée et le chemin des pèlerins, jusqu’à SPOLETTO. C’est assez plat, confortable, et les villages qui sont accrochés aux collines, sur les côtés, sont majestueux. Ce sont des villages fortifiés, mais en vélo on hésite un peu avant de vouloir monter les visiter tous.

À SPOLETTO il faut choisir : où aller ? Nous choisissons de continuer en passant par une toute petite route dans la montagne. Il y a encore des passages très raides, c’est l’inconvénient des petites routes, mais c’est superbe de solitude et de silence. Cela nous permet de rejoindre TERNI et ses aciéries gigantesques. Ensuite nous montons, encore, vers les cascades de MARMORE. Beaucoup de voitures en descendent car c’est un lieu très prisé par les touristes locaux, et nous sommes dimanche.

Le camping de MARMORE n’est pas très fréquenté et nous y sommes reçus comme des rois par la gérante qui est vraiment aux petits soins pour que rien ne nous manque. Les olives et l’huile d’olives de sa production sont parfaites.

Après le repas du soir nous allons voir les cascades en nocturne : grandiose. Une bonne nuit là-dessus, au son des chiens qui aboient en italien, et nous sommes prêts pour le lendemain.

MARMORE – CARSOLI 92 kms

Nous partons en direction du lac de Piediluco et il fait toujours très beau. Nous trouvons des petites routes tranquilles jusque RIETI.

Nous nous engageons ensuite dans la vallée du Turano, vallée peu peuplée jusque ROCCA SINIBALDA qui est un imposant village fortifié perché sur la colline… qu’il faut monter.

Rocca Sinibalda

Ensuite ce sont de très beaux lacs et, toujours en suivant la vallée (le parcours est magnifique) nous arrivons à CARSOLI où il y a un campeggio agriturismo (on dit agricampeggio), ce qui nous arrange bien.

Les cimetières sont plein de charme, surtout lorsqu’ils dominent la vallée

Mon vélo commence à montrer des signes de fatigue, il couine, il geint, et j’ai beau lui regonfler les rayons il couine encore. Il me faut le tâtonner, chercher, bichonner une pièce et une autre, et le hasard fait bien les choses puisque le lendemain matin il ne se plaint plus.

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CARSOLI – ROME 94 kms

Départ tardif, vers 9 heures, mais les dieux sont avec nous. Non seulement mon vélo a retrouvé la forme mais les 35 premiers kilomètres nous sont favorables. Ce n’est quasiment qu’une descente, ou du plat, et en moins de temps qu’il ne faut pour le dire, moins de deux heures, cette route facile nous dépose à TIVOLI, aux portes de la Villa d’Este.

Les cardinaux de la Renaissance avaient la folie des grandeurs et cela nous en met plein les yeux. C’est superbe d’ingéniosité (les fontaines qui font de la musique), c’est beau (les jardins, les peintures, les sculptures), un vrai musée et un vrai régal, même pour nos vélos qui ont traversé le cloître pour se ranger dans la garde-robe (les guides sont sympas, ils n’ont pas voulu laisser nos vélos dehors).

La Villa d’Este, située dans la ville de Tivoli, près de Rome, est un chef-d’œuvre de l’architecture italienne et de l’aménagement de jardins. Par sa conception novatrice et l’ingéniosité des ouvrages architecturaux de son jardin (fontaines, bassins, etc.), c’est un exemple incomparable de jardin italien du XVI^e siècle. La Villa d’Este, un des premiers « giardini delle meraviglie » (jardin des merveilles), servit très tôt de modèle pour le développement de jardins en Europe et fait partie du patrimoine mondial de l’UNESCO depuis 2002. La villa d’Este fut commandée par le cardinal Hippolyte d’Este, nommé gouverneur de Tivoli par le pape Jules II. Du 9 septembre 1550 à sa mort en 1572, il fit construire, à la place de l’ancien couvent de Sainte-Marie Majeure, une résidence entourée de fabuleux jardins en terrasses, dans le plus pur style maniériste. Le peintre des ambitieuses décorations intérieures est Livio Agresti de Forli. (Wikipédia)

ROME – OSTIE 71 kms

Nous sommes au nord de ROME et nous voulons aller au sud-ouest. Il nous faut refaire la route d’hier en sens inverse, les routes infréquentables puis les 10 kilomètres de piste.

Nous nous détournons un peu des pistes pour passer en ville et pour voir le VATICAN : quelle foule ! Je ne sais pas si un pape qui se réclame de Saint François peut apprécier tout ce tourisme à gadgets, mais ce qui est sûr c’est qu’il doit être rentable.

Le centre de ROME est un peu mieux entretenu que la périphérie, touristes obligent, mais de là à m’emballer : non, ROME ne sera pas ma ville. Nous reprenons ensuite le long du Tibre en espérant pouvoir ainsi rejoindre la mer, mais il n’en a rien été. La piste le long du fleuve tourne court et nous voilà contraints de reprendre les routes pleines de voitures qui klaxonnent.

L’après-midi est beaucoup moins drôle. Qu’en dire ? Comment décrire un tel chantier ? Nous allons vers ROME, et l’entrée dans la ville dure au moins 20 kilomètres. Ce sont des travaux partout, des trous partout, aucune signalisation, des voitures dans tous les sens, des ordures qui débordent de partout, et je ne parlerai pas des odeurs. On a le sentiment que si ROME voulait concourir pour la ville la plus laide et la plus sale d’Europe elle aurait de fortes chances de monter sur le podium.

Nous réussissons, après bien des recherches, à trouver un bout de ce qui a dû être une piste cyclable (du temps de la grandeur romaine). Nous essayons de la suivre à la trace, dans une jungle de ronces et de détritus, pour retrouver le bord du Tibre et monter vers notre camping qui devrait se trouver un peu au nord en suivant le fleuve. Mais la piste ne dure que 10 kilomètres et il faut ensuite naviguer sur des routes très fréquentées : un vrai chemin de croix et le calvaire prend fin vers 19 heures.

Nous faisons tout pour éviter les grands axes, la SP8 et la Cristofo Colombo, des routes à quatre voies pleines de fous. Nous essayons tant et si bien de les éviter que nous finissons par nous retrouver sur le périphérique (E80) très vite escortés par des agents qui s’inquiètent de notre survie, et ils nous renvoient sur les quatre voies que nous voulions éviter. Après encore quelques tours et contours sur des bouts de pistes qui ne mènent nulle part, nous nous résignons à prendre la Cristofo Colombo, qui semble la seule possibilité. Elle n’a pas quatre voies mais six. On serre les fesses sur le bord, on pédale… c’est un parcours de fous. Non, décidément, les grandes villes ne sont pas faites pour les vélos, du moins en Italie.

Ça y est ! la mer est enfin là. Nous sommes à OSTIE et le camping près de la plage, avec une musique très douce (ce qui est rare), est plutôt agréable.

OSTIE – SABAUDIA 97 kms

88 kilomètres en longeant la mer, ou presque, car s’il faut être plus précis c’est en longeant les dépôts d’ordure qui longent les routes qui longent la mer. Bref la plupart du temps c’est sale, très sale, et nous commençons à voir les premières prostituées ; il y en aura dans tout le sud de l’Italie. Les paysages et les villes ne sont pas pour autant sans charme (ANZIO, NETTUNO) et ils devraient permettre une exploitation touristique plus hygiénique.

Arrivés à SABAUDIA, belle plage, nous nous installons un peu en retrait dans un agricampeggio qui devrait être calme lorsqu’ils arrêteront leurs tondeuses. Ils ont au moins le mérite de faire une bonne cuisine.

Station balnéaire bâtie pour les Romains en 1934 sous le régime fasciste, SABAUDIA est un exemple d’architecture dite rationaliste (architectes du Gruppo 7 et du MIAR).

Une remarque sur les italiens qui klaxonnent en voiture. Si on compare le nombre de coups de klaxon au nombre d’infractions commises, au nombre d’incivilités parfois dangereuses, les italiens klaxonnent très peu.

SABAUDIA – BAIA DOMIZIA 84 kms

SABAUDIA est une belle ville qui se trouve encore dans les zones de plages sableuses, et c’est une région maraîchère. Le paysage change un peu après TERRACINA, station balnéaire très sélecte, jumelée avec Cabourg, et nous entrons dans une zone plus montagneuse, plus aride ; il n’y a plus de collines vertes mais des cailloux. On sent qu’on va vers le sud : cactus et palmiers.

La route serpente le long de la côte, entre falaises impressionnantes et tunnels angoissants (car rien n’est prévu pour les vélos). C’est vraiment le paysage du Corniaud, avec Bourvil qui fait ses photos au bord de la falaise. Je m’attendais à voir apparaître sa belle américaine à chaque virage, mais non, il avait dû passer plus tôt.

Cela dit, nous sommes revenus ensuite, après FORMIA, à des bords de mer plus plats, des stations qui s’étirent sur des kilomètres, et le camping que nous trouvons est très bien situé. C’est un camping de grand luxe (quatre étoiles) mais nous y sommes bien quand même. C’est un camping impressionnant ; en fait ils ont reconstitué une ville, avec ses magasins, ses cinémas, ses restaurants, ses bars, son église, ses centres sportifs etc. Les gens n’aiment pas trop le dépaysement.

J’ai compris aujourd’hui le critère de la bonne conduite automobile en Italie : « ils ont réussi à m’éviter donc je conduis bien ».

BAIA DOMIZIA – POZZUOLI 74 kms

Le soleil est toujours là mais la journée nous a semblée plutôt triste. Nous avons voyagé dans un monde de fin de monde, un monde laissé à lui-même, dans la poussière et les détritus, un monde où tout est abandonné et sale. Impossible de dire si nous étions encore en Italie, vous savez, la patrie de Léonard de Vinci, de Michel Ange, le pays de Venise, de Florence ; non, nous étions sur une autre planète, une planète triste et désespérée.

Par moments nous avions le sentiment d’être en Afrique, au Sénégal, à Saint Louis dans le quartier des pêcheurs, mais il n’y avait pas la vie et les sourires d’Afrique, nous étions dans un monde de poubelles beaucoup plus sinistre malgré le soleil. L’Italie du sud est vraiment une autre Italie que celle du nord.

Beaucoup de constructions sont inachevées et tombent déjà en ruine

Nous sommes allés un peu plus loin que prévu car il n’y avait pas de camping à CUMA. Nous sommes donc montés avant de redescendre vers NAPLES, jusque POZZUOLI. Il y a une très belle vue sur la baie. Il a fallu ensuite monter en haut d’un volcan car le camping « Solfatora » est situé dans le cratère. Il y a effectivement des solfatares, c’est beau, c’est chaud sous les pieds, mais ça sent beaucoup l’œuf pourri. Décidément c’est la journée des odeurs. Entre les poubelles que nous traversions en apnée et le soufre… nos narines souffrent.

Mais il faut aussi reparler des prostituées qui vivent au milieu des détritus. Il y en a facilement une au kilomètre, elles sont assises sur de vieilles chaises en plastique, fardées, provocantes, exhibant leurs cuisses et leurs seins, elles sont rarement coquettes. Bref c’est la misère qui s’ajoute à la misère. On a mal au cœur pour elles. Et lorsqu’il y en a une un peu plus jeune et un peu plus jolie, nous sommes encore plus meurtris.

Elles sont la plupart du temps réparties par zones, il y a les roumaines, les africaines, quelques italiennes. Certaines d’entre elles ont le luxe d’avoir une voiture, une toute petite voiture, mais c’est rare et ce doit être plus cher ; cela dit, Geneviève a du mal à m’imaginer dans une Smart.

Le soir, en nocturne, nous avons revisité le cratère, éclairé, c’est un régal de couleurs et cela fait une bonne marche pour notre retour veineux.

POZZUOLI – POMPEI 40 kms

40 kilomètres d’agglomération, mais dans des conditions assez favorables car c’est dimanche (dimanche de Pentecôte, le jour des communions solennelles, nous en verrons plusieurs). La traversée de NAPLES, hormis un tunnel un peu agité, est très agréable et à notre grande surprise la ville est propre. Le bord de mer est beau et aujourd’hui c’est une zone piétonne réservée aux joggers, aux marchés mais aussi aux vélos. Quelques pêcheurs y vendent leur poisson.

Pour sortir de NAPLES et de sa banlieue (en fait nous n’en sortirons pas) il nous faut faire une vingtaine de kilomètres sur des pavés d’époque, une époque très lointaine, époque où on taillait les pavés grosso modo. Quelques raidillons en plus, c’est du sport. Mais les villes, SAN GIOVANNI, PORTICI, ERCOLANO, TORRE DEL GRECO ont du cachet. C’est vraiment l’image que nous avons de l’Italie, l’image d’Épinal, des petites rues pavées et sonores, avec beaucoup de linge aux fenêtres, l’Italie du grand cinéma réaliste italien.

Il y a beaucoup de monde au petit camping que nous choisissons à POMPEI (le Spartacus) mais nous avons la chance d’y arriver assez tôt pour y trouver une place, et nous n’avons que la rue à traverser pour aller visiter le site. Visite gratuite ce dimanche.

La ville de POMPEI, détruite en 79 ap. J.-C., comptait 15000 habitants et mesurait 66 hectares. 44 hectares ont été dégagés et c’est ce qu’on peut visiter. La ville a de beaux restes et en visitant on comprend mieux à quel point le mode de vie romain était raffiné. Temples, fontaines, peintures, théâtres etc. Tout semblait tourné vers le luxe (la luxure ?), la volupté. Bon, on ne nous y parle pas de la condition des esclaves.